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12 janvier 2005

Catégorie Zibal-donna

Index alphabétique et interactif
de la Catégorie Zibal-donna

(zibaldone et miscellanées d'Angèle) :

Liste des notules =>

- A.Z., Jacqueline Risset
- Carnage amoureux, Linda Lê
- Celle qui attend..., AP
- Chimères invisibles - Carnets du père (I)
- Doublement pervers, Roland Barthes
- « Le Faiseur », Antoine Émaz
- mellité, AP
- Le Golo - Carnets du père (II)
- L'homme et le caillou, Jacques Réda
- Lointains de paradis perdu, Giuseppe Ungaretti
- Mosaïques en écailles (Forêt d'Aitone), AP
- Mots d'enfants - Carnets du père (III)
- Les mots et les autres, AP
- Narcissique Katinka, Pietro Citati (NOUVEAU)
- A noia, AP
- « Pupille Christ de l'œil » (Zone, Apollinaire) + AP
- Puzzle d’écales (Forêt d'Aitone), AP
- Rêve de Giacomo Leopardi, Antonio Tabucchi
- Rivière et Rêverie, Ludovic Janvier
- Soucie-toi de toi-même , Michel Foucault
- Sous les cailloux... la coccinelle, Ezra Pound + AP

N.B. : Pour en savoir plus sur le Zibaldonepetiteimage2 (de Leopardi), voir l'article rédigé par Florence Trocmé et moi-même dans le magazine de Zazieweb.

Rédigé par angèlepaoli le 12 janvier 2005 à 14:25 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack

Narcissique Katinka

«  À vingt ans, elle proclamait sur tous les tons son narcissisme : « Je suis odieuse, mais s’il est une chose dont je peux me vanter, c’est de n’être amoureuse de personne, à part moi » ; « Je suis absolument délicieuse » ; « Je m’aime, donc je suis heureuse ». Comme souvent chez les grands narcissiques, son égocentrisme eut tôt fait de se transformer en une amoureuse fureur de vivre. Se souvenant d’une phrase d’Oscar Wilde, elle prétendait que l’unique façon de se délivrer des tentations était d’y céder totalement. Elle avait un besoin fébrile et désespéré d’expériences nouvelles : elle voulait connaître tous les plaisirs, endurer toutes les souffrances, comprendre toutes les idées, toutes les sensations, connaître le vaste cercle du monde. Lorsqu’elle se consacrait à une cause ou à une passion, elle s’y abandonnait tout entière : « L’état d’indifférence est véritablement étranger à ma nature, et y vivre est la seule forme d’enfer que je puisse concevoir » ; « Peut-être est-ce manquer de sagesse que d’aimer à la folie ; mais il n’est pire folie que de ne rien aimer ». Quand elle aimait, elle aimait d’un feu dévorant que son imagination allumait et attisait : et cette ardeur impossible à maîtriser ne pouvait ni s’apaiser ni s’exprimer. Aussi avait-elle l’impression de déclamer seule sur le bruyant théâtre de la passion : personne ne lui donnait la réplique, sinon de pâles fantômes qu’elle avait créés de toutes pièces ; et la vie elle-même, qu’elle s’était figurée brûlante et intense, semblait prise de langueur devant ses désirs. »

Pietro Citati, Brève vie de Katherine Mansfield [Rizzoli editore, Milan, 1980], Quai Voltaire, 1987, p. 14.

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Rédigé par angèlepaoli le 12 janvier 2005 à 14:09 dans Péninsule italienne (littérature et anthologie poétique), Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack

04 janvier 2005

Doublement pervers

« Texte de plaisir: celui qui contente, emplit, donne de l’euphorie; celui qui vient de la culture, ne rompt pas avec elle, est lié à une pratique « confortable » de la lecture. Texte de jouissance: celui qui met en état de perte, celui qui déconforte… fait vaciller les assises historiques, culturelles, psychologiques, du lecteur, la consistance de ses goûts, de ses valeurs et de ses souvenirs, met en crise son rapport au langage.
Or c’est un sujet anachronique, celui qui tient les deux textes dans son champ et dans sa main les rênes du plaisir et de la jouissance, car il participe en même temps et contradictoirement à l’hédonisme profond de toute culture et à la destruction de cette culture: il jouit de la consistance de son « moi » (c’est son plaisir) et recherche sa perte (c’est sa jouissance). C’est un sujet deux fois clivé, deux fois pervers. »

Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Éditions du Seuil, collection « Tel Quel », page 26.

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Rédigé par angèlepaoli le 04 janvier 2005 à 09:20 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack

26 décembre 2004

Rivière et Rêverie

Mises en regard: Rivière et Rêverie

« Ramuz écrit que la pensée remonte les fleuves. Qui les descend, c’est la rêverie. »

Ludovic Janvier, Des rivières plein la voix, Gallimard, Collection L’arbalète, 2004, p. 14.

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Rédigé par angèlepaoli le 26 décembre 2004 à 11:22 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (2)

« Soucie-toi de toi-même »

« C’est un fait que lorsque ce précepte delphique, ce gnôthi seauton apparaît […] dans la pensée philosophique, […] c’est, non pas tout le temps, mais à plusieurs reprises et d’une manière très significative, couplé, jumelé avec le principe du « soucie-toi de toi-même » (epimelei heautou). Je dis « couplé », je dis « jumelé ». En fait, ce n’est pas tout à fait de couplage qu’il s’agit. […] C’est beaucoup plus dans une sorte de subordination par rapport au précepte du souci de soi que se formule la règle « connais-toi toi-même ». Le gnôthi seauton (« connais-toi toi-même ») apparaît, d’une façon assez claire et encore une fois dans un certain nombre de textes significatifs, dans le cadre plus général de l’epimeleia heautou (souci de soi-même) comme une des formes, comme une des conséquences, comme une sorte d’application concrète, précise et particulière, de la règle générale : il faut que tu t’occupes de toi-même, il ne faut pas que tu t’oublies toi-même, il faut que tu prennes soin de toi-même. Et c’est à l’intérieur de cela qu’apparaît et se formule, comme à la pointe même de ce souci, la règle « connais-toi toi-même. »

Michel Foucault, L’Herméneutique du sujet, Cours au Collège de France (1981-1982), Gallimard/Le Seuil, février 2001, p. 6.

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Rédigé par angèlepaoli le 26 décembre 2004 à 00:33 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

25 décembre 2004

Puzzle d’écales (Forêt d'Aitone)

Aitone58l

Puzzle d’écales habillées de mousse,
Corolles de lichens entrelacés
Volants et froufrous verts d’eau
Incrustés dans les linéaments
lie de vin
de l’arbre
carapace

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Texte©angelepaoli

Rédigé par angèlepaoli le 25 décembre 2004 à 19:48 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

L'homme et le caillou

Topique : Les cailloux

Pict0030 Ph.©angelepaoli

« J’aime le bas d’ici : je ramasse un caillou
Quelconque. Il a déjà cinq cents millions d’années
Et survivra longtemps aux races condamnées –
À la nôtre. Partir ? Vous voulez qu’on aille où ?

Je tiens ce bout de rien dans ma main peu-de-chose.
Je le palpe, le flaire, en très lointain neveu
Des durs qui l’ont cogné pour en tirer du feu,
Mais il reste confit dans sa lourde ankylose.

Je le médite. Il se réchauffe. Je dirai,
Quand j’entendrai tonner : « Qu’as-tu fait pour ton proche ? »
- Seigneur, j’ai réchauffé cet orphelin de roche,
Quelque part dans un terrain vague. Mais juré :
C’est lui qui m’a jeté quand il a vu ma poche. »

Jacques Réda, « L’homme et le caillou », L’Adoption du système métrique, Gallimard, Collection blanche, octobre 2004, page 97.

Voir aussi Ciottoli/Cuticci; Chaillots/Cuticci
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Rédigé par angèlepaoli le 25 décembre 2004 à 19:28 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

24 décembre 2004

Sous les cailloux... la coccinelle

Topique : Les cailloux

Une définition de l’image : « La saisie instantanée
d’un complexe intellectuel et émotionnel »
.
Ezra Pound.

Marine de Giottani, le 24-xx-2004
Coccinelle_pict0138 Ph.©angelepaoli

Une coccinelle vagabonde sur ma serviette de plage. Elle est dodue et file à vive allure. Pour aller où ? Elle doit bien le savoir, elle ! Pas moyen de la courser ! Elle déploie ses ailes noires lorsqu’elle sent que je l’approche d’un peu trop près et veux me saisir d’elle. J’admire sa carapace rouge agrémentée de boutons de culottes noirs. Par moment, elle disparaît sous un caillou et resurgit beaucoup plus loin sur un galet rond. Comment fait-elle pour se diriger ainsi dans cette vastitude de rondeurs inégales ? Elle est seule. Nulle autre pareille à elle ne se montre alentour.

Giottani, la plage gloutonne. Soleil printanier. Les vagues sont fortes et les cailloux lavés par les embruns. Aujourd’hui, c’est le jour des rouges et des verts. Je cherche autour de moi les plus beaux, les plus lisses. Ceux dont les couleurs détonnent et étonnent. Je fais des petits tas que je range sur ma serviette. Ils vont alourdir mon sac à dos. Mais tant pis. Je ne résiste pas à l’envie de les emporter avec moi. Je sais pourtant bien qu’une fois sortis de leur contexte, ils ne seront plus aussi éclatants. Quelque chose aura changé, que je ne parviens pas à m’expliquer.

Nous avons pris le sentier à partir du hameau de Conchiglio (qui porte bien son nom de conque). Un sentier paisible et sacré. Bordé de tombeaux. Je prends des photos de fleurs du maquis, de rocailles, de marches usées par le temps et incrustées de mousses diverses. Il y a des crocus, des cyclamens sauvages, des nombrils de Vénus, des orchidées et mille plantes dont j’ignore encore les noms. Je musarde comme ma coccinelle que je cajole du regard.

La dernière fois que j’ai emprunté ce sentier, c’était l’été d’avant, en septembre avec Marie-Pool et Renato. Marie-Pool se souvient de tous les noms de plantes que je lui ai montrées.

Je rêve d’une maison à Conchiglio. C’est un lieu magique et enchanté, qui abrite depuis peu un « théâtre de verdure ».

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Texte©angelepaoli

Rédigé par angèlepaoli le 24 décembre 2004 à 18:51 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

Gémellité

Gmellit_pict0035 Ph.©angelepaoli

Tronc mauve
écorce
de lumière
luisantes
striures
gonflées d’eau
parchemin
palimpseste
gorgé de vie

Tronc vert
mangé de mousse
lichens greffés
s’agrippant
aux fissures
aux croûtes
aux blessures de l’arbre
écorces
imbibées de lumière

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Texte©angelepaoli

Rédigé par angèlepaoli le 24 décembre 2004 à 13:25 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

A noia

Elle est là, et pourtant pas là. Elle n'a rien fait de bon et elle n'arrive à rien. C'est un jour sans ! Tout ce qu’elle entreprend l'ennuie. Elle a dormi pour se désennuyer. Elle ne fait rien, elle cherche des trucs introuvables. Lui tourne en rond parce que son ordinateur est en panne. Elle n'arrive pas à se concentrer. Dès qu’elle entreprend quelque chose, elle est interrompue. Elle hait les dimanches ! Demain, elle sera débordée de travail ! Et c'est tant mieux ! Cela lui évitera de penser et lui donnera des alibis faciles. Ses photos de Paris sont médiocres. Plates, et pourtant elle était sûre qu'elles étaient inspirées. Elle s’est trompée. Hier soir, elle a fait visionné celles de son amie. Très belles, magnifiques même.

Elle a le « magone » qui rôde sans avoir l'humour décapant de Philip Roth. Plutôt la mélancolie de J.-B. Pontalis, dont elle a fini ce matin la lecture du Dormeur éveillé. Elle admire la simplicité de son style. Elle a commencé La Partition d'Alain Veinstein. Elle essaie d'écrire mais elle n'y parvient pas. Elle n’a pas d'inspiration, encore moins de talent ? Elle se pose la question du « à quoi bon »! Elle éprouve au plus profond le goût du néant. De l’inanité profonde de toute chose. Quand elle sent que la prend ce vertige, sa tentation est grande de se laisser glisser et de s’abandonner à un suicide lent.

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Ph.©angelepaoli

Rédigé par angèlepaoli le 24 décembre 2004 à 09:13 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

23 décembre 2004

Mosaïques en écailles (Forêt d'Aitone)

Fort_daitone_pict0058

Mosaïques en écailles
mille-feuilles ligneux
brisures des courbes
téguments et membranes
incrustations d’écorces
jambage effilé d’une aiguille de pin
posée là par les hasards du vent

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Texte©angelepaoli

Rédigé par angèlepaoli le 23 décembre 2004 à 18:05 dans Poésie insulaire (anthologie), Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

22 décembre 2004

« Pupille Christ de l'œil »
(Zone, Apollinaire)

A mon compatriote corse,
Guidu Antonietti di Cinarca,
architecte et photographe

Pict0014_1 Ph.©angelepaoli

Architexte :

Tremblé liquide des lignes
dilatée
Superpositions dypopliques
Dédoublement
Diffraction mouillée de la lumière

Voir aussi le fotolog (une galerie d'images
ouverte le 11 décembre dernier) de Guidu Antonietti di Cinarca : PORTRAITS DE FEMMES.

Franca__2
Ph.©Guidu Antonietti di Cinarcu

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Rédigé par angèlepaoli le 22 décembre 2004 à 23:10 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (1)

Celle qui attend...

Paris, Carrefour de l'Odéon. Café des Éditeurs.

J’ai rendez-vous avec J. Je surveille distraitement toutes les femmes aux cheveux blancs qui font leur entrée dans le café. Quelle tête peut bien avoir un professeur d’université ? Et de stylistique qui plus est ? Je n’en ai plus la moindre idée. Comment savoir si ce visage dur et carré est celui de celle que j’attends. J’ai déposé devant moi, bien en vue, quelques-uns de ses ouvrages. Au moins pourra-t-elle me reconnaître. La femme au visage dur et carré a commandé une salade. Tout en grignotant à petits coups, elle feuillette un livre. Plie les pages avec application. Elle ne m’est pas sympathique. Pourvu que J. le soit !

Je ne parviens pas à me concentrer. Je rédige ces notes sur mon cahier. Ma plume file. J’ai rêvé que la petite Gwen (l’une de mes jeunes lycéennes) était enceinte. Gwen pleurait à chaudes larmes à l’idée d’un avortement. Sa mère hurlait de fureur et de haine. Gwen la dévisageait sans comprendre. Moi non plus, je ne comprenais pas. Quelque chose m'échappait. Quel rapport pouvait-il bien y avoir entre ce tendre et mystérieux visage de jeune fille emplie d’ardeurs secrètes et celui de cette femme, ravagé par la vie ? Comment l’une peut-elle être l'enfant de l’autre ? Elles n’ont rien en commun. Et pourtant ! Je suis bien obligée de me rendre à l'évidence. Gwen, aux traits lisses et purs, est bien la fille de cette femme meurtrie. J’essaie de comprendre. Je me heurte à l’inconnaissable.

Cette femme qui lit tout en grignotant du bout des dents les ingrédients divers de sa salade n’est pas non plus J. Heureusement ! Elle ne me plaît vraiment pas. Qu’est-ce que cela a à voir ? Rien ! Je le sais bien ! Rien!

Une femme à la belle chevelure blanche fait son entrée dans le café, bourdonnant à cette heure de la journée. Elle scrute la salle, cherchant plutôt sur les hauteurs derrière la balustrade. Je me lève sans hésiter et me dirige vers elle.

J’ai enlevé mes lunettes noires. C’est une femme de belle allure. Elégante. D'une élégance très «classique ». Dix-septième presque. Je lui demande si elle est celle que j'attends. Elle me répond que oui, c’est elle. Elle a un beau visage aux yeux clairs et un accent délicieux. Juste ce qu’il faut de chantant. Sans la moindre vulgarité. Nous parlons de Cassis et de Virginia. Elle et Virginia. Deux femmes en apparence aux antipodes. Et pourtant, quelque chose les rapproche, que j’ignore encore, mais que je ne désespère pas de trouver.

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Rédigé par angèlepaoli le 22 décembre 2004 à 21:46 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

Les mots et les autres

Je tente de dénouer par les mots, les maux que je noue aux genoux.

Oubliée/éblouie !!!

La patte de velours du soleil joue dans mes cheveux sur mes joues.

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Rédigé par angèlepaoli le 22 décembre 2004 à 21:05 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (1)

Rêve de Giacomo Leopardi, poète et lunatique

En écho au livre d’Hélène Cixous sur le rêve, Rêve, je te dis, je propose un renvoi à Rêves de Rêves d’Antonio Tabucchi. Dans cet étrange et très original ouvrage, Antonio Tabucchi se glisse dans la peau de certains artistes, peintres, musiciens et écrivains. Il les met en situation de rêve et, à partir de ce qu’il connaît de l’histoire de leur vie, il imagine leur rêve d'une nuit. Mais le rêve de Tabucchi se superpose de manière très subtile au rêve des rêveurs choisis... Michelangelo Merisi, Debussy, Pessoa et tant d’autres. De sorte qu’il est bien difficile de savoir ce qui relève du rêveur originel et ce qui relève plus précisément de l’« écrivain rêveur ».

Ainsi de Leopardi, « poète et lunatique ». Mais, comme tous les rêves, ce texte échappe au récit. Mieux vaut donc le lire pour pouvoir en savourer la teneur étrange.

EXTRAIT

« Une nuit des premiers jours de décembre 1827, dans la belle ville de Pise, via della Faggiola, dormant entre deux matelas pour se protéger du froid qui étreignait la ville, Giacomo Leopardi, poète et lunatique, fit un rêve. Il rêva qu’il se trouvait dans un désert, et qu’il était berger. Mais au lieu d’avoir un troupeau qui le suivait, il était commodément assis dans une calèche traînée par quatre brebis d’une éclatante blancheur, et ces quatre brebis étaient son troupeau.
Le désert, et les collines qui le bordaient ; étaient d’un très fin sable d’argent qui brillait comme la lumière des lucioles. C’était la nuit mais il ne faisait pas froid, au contraire, cela semblait une belle nuit d’arrière printemps, de sorte que Leopardi enleva la cape dont il était couvert et la posa sur l’accoudoir de la calèche.
Où m’emmenez-vous, mes chères petites brebis ? demanda-t-il. Nous t’emmenons en promenade, répondirent les quatre brebis, nous sommes des petites brebis vagabondes…
…Ils arrivèrent au fond du désert et contournèrent la colline, au pied de laquelle se trouvait une boutique. C’était une belle pâtisserie tout en cristal, qui étincelait d’une lumière d’argent. Léopardi regarda la vitrine, indécis quant à son choix. Au premier rang, il y avait les tartes, de toutes les couleurs et de toutes les dimensions : tartes vertes à la pistache, tartes vermeilles à la framboise, tartes jaunes au citron, tartes roses à la fraise. Puis il y avait les massepains, aux formes drôles et appétissantes : modelés en pomme et en orange, modelés en cerise, ou en forme d’animaux. Enfin venaient les sabayons, crémeux et denses, avec une amande par-dessus. Leopardi appela le pâtissier et acheta trois gâteaux: une tourte aux fraises, un massepain et un sabayon. Le pâtissier, un petit homme tout en argent, avec des cheveux d’une blancheur éclatante et des yeux bleus, lui donna les gâteaux et comme cadeau une boîte de chocolats. Leopardi remonta dans la calèche, et tandis que les brebis se mettaient de nouveau en chemin, il commença de déguster les choses exquises qu’il avait achetées. La route avait pris de la pente, à présent elle grimpait sur la colline. Et comme c’était étrange, ce terrain-là aussi brillait, il était translucide et envoyait une lueur d’argent. Les brebis s’arrêtèrent devant une petite maison qui étincelait dans la nuit. Leopardi comprenant qu’il était arrivé, descendit à terre, il prit la boîte de chocolats et entra dans la maison. A l’intérieur une jeune fille était assise sur une chaise brodait au tambour.
Avance, je t’attendais, dit la jeune fille. Elle se tourna, lui sourit,et Leopardi la reconnut. C’était Silvia. Sauf qu’à présent elle était tout en argent, elle avait les mêmes apparences qu’autrefois, mais elle était en argent.
Silvia, chère Silvia, dit Leopardi en lui prenant les mains, comme il est doux de te revoir, mais pourquoi es-tu en argent ?
Parce que je suis une sélénite, répondit Silvia, quand on meurt on arrive sur la lune et on devient ainsi.
Mais pourquoi suis-je ici moi aussi, demanda Leopardi, je suis peut-être mort ?
Celui qui est là n’est pas toi, dit Silvia, c’est seulement ton image, toi tu es encore sur la terre.
Et depuis ici on peut voir la terre ? demanda Leopardi.
Silvia le conduisit à une fenêtre où se trouvait une lunette. Leopardi approcha l’œil de la lentille et vit aussitôt un palais. Il le reconnut : c’était son palais. Une fenêtre était encore éclairée, Leopardi regarda à l’intérieur et vit son père, en chemise de nuit, le pot de chambre à la main,qui s’en allait au lit. Il eut un coup de cœur et déplaça la lunette. Il vit une tour penchée sur un grand pré et, tout près, une rue tortueuse avec un immeuble où il y avait une faible lumière. Il s’efforça de regarder à l’intérieur de la fenêtre et vit une chambre modeste, avec une commode et une table sur laquelle était posé un cahier à côté duquel se consumait un bout de chandelle. Dans le lit il se vit lui-même, qui dormait entre deux matelas.
Je suis mort ? demanda-t-il à Silvia. Non, dit Silvia , tu es seulement en train de dormir, et tu rêves à la lune. »

Antonio Tabucchi, Rêves de rêves, Christian Bourgois Éditeur, 1994, p. 77 à 81. Traduction de Bernard Comment.

La suite (texte ci-dessous) n'apparaît pas dans l'édition française, mais seulement dans l'édition originale :

[…] « Vieni avanti, ti aspettavo, disse la ragazza. Si girò e gli sorrise, e Leopardi la riconobbe. Era Silvia. Solo che ora era tutta d’argento, aveva le stesse sembianze di un tempo, ma era d’argento.
Silvia, cara Silvia, disse Leopardi prendendole le mani, come è dolce rivederti, ma perchè sei tutta d’argento ?
Perchè sono una selenita, rispose Silvia, quando si muore si viene sulla luna e si diventa così.
Ma perchè anch’io sono qui, chiese Leopardi, sono forse morto ?
Questo non sei tu, disse Silvia, è solo la tua idea, tu sei ancora sulla terra » […]

Sogni di sogni, Sellerio editore Palermo, 1992, p. 45.

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Rédigé par angèlepaoli le 22 décembre 2004 à 15:37 dans Péninsule italienne (littérature et anthologie poétique), Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack

21 décembre 2004

Lointains de paradis perdu

« Souvenirs et songes mûrissent l’avenir. Même éveillés, nous portons dans notre conscience des points de magie sous une aile de secret : les songes. C’est la mémoire, personnelle ou tribale, qui s’est délivrée d’elle-même et ressurgit au-delà du temps et de l’espace. Ces lointains de paradis perdu, tout acte d’amour les rapproche et les recrée. La poésie consiste à convertir la mémoire en songes et à porter d’heureuses clartés sur le chemin de l’obscur. »

Giuseppe Ungaretti, Carnets italiens [1931-1934], Fata Morgana, 2004, page 57.

BIO-BIBLIOGRAPHIE
(gracieusement cédée par Critias)
Il y a eu d’abord, au commencement de la vie d’Ungaretti, au commencement de sa poésie, le désert (Philippe Jaccottet).

Giuseppe Ungaretti est né en 1888 à Alexandrie (Égypte), de parents originaires de Lucca. Durant toute son adolescence égyptienne, il fréquente les milieux intellectuels français et italiens, ses principales lectures portant sur Leopardi, les poètes symbolistes, Mallarmé et Nietzsche. Venu suivre ses études à Paris de 1912 à 1914, il prend pension dans un petit hôtel de la rue des Carmes, s’inscrit à la Sorbonne, suit les cours d’Henri Bergson au Collège de France, fréquente les cafés littéraires et les milieux d’avant-garde français (Braque, Cendrars, Modigliani, Picasso,...) et italiens (les futuristes Boccioni, Marinetti, Palazzeschi,...), et se lie d’amitié avec Guillaume Apollinaire.

Enrôlé volontaire comme simple soldat durant la Première Guerre mondiale, mais aussi poète révolutionnaire, il publie à Udine en 1916 son premier recueil, le Port enseveli (Il Porto sepolto), ouvrant la voie au courant poétique dit "hermétique". Au lendemain de la guerre, alors qu’il est le correspondant à Paris du Popolo d’Italia (le journal de Mussolini) et travaille pour l’ambassade d’Italie, il publie la Guerre (1919), recueil qu’il écrit directement en français et dédie à Apollinaire. A Paris, il fait la rencontre d’André Breton et de Philippe Soupault, mais aussi de Jean Paulhan. Il contribue notamment à la création de la revue rationaliste L’Esprit Nouveau (Le Corbusier/Ozenfant), et collabore à la revue surréaliste Littérature. Installé à Rome à partir de 1921, il travaille au ministère des Affaires étrangères, participe aux activités du groupe de la Ronda (Baldini, Barilli, Cardarelli), tout en écrivant pour les revues littéraires Tribuna et Commerce (la revue fondée en 1924 à Paris par Marguerite Caetani). En 1925, Ungaretti signe le Manifeste des intellectuels fascistes et se rapproche des artistes et hommes de lettres romains (Scuola di via Cavour), parmi lesquels Leonardo Sinisgalli. Au début des années 1930, il collabore à la Gazzetta del popolo, et devient le chef de file de la jeune génération des poètes hermétiques. Il publie en 1931 le recueil l’Allégresse (L’Allegria), et en 1933 Sentimento del Tempo (Sentiment du temps).

Professeur de littérature italienne à l’Université de São Paulo à partir de 1936, son séjour au Brésil est endeuillé par la mort en 1939 de son tout jeune fils Antonietto, deuil qui lui inspirera les vers du recueil la Douleur (Il Dolore, 1947). Rentré dans son pays en 1942, il obtient une chaire de littérature italienne à l’université de Rome, où il enseigne jusqu’en 1959. Durant les dernières années de sa vie, il est notamment "visiting professor" à l’Université Columbia de New York et est fêté par les intellectuels et artistes de la Beat Generation (Greenwich Village). Il meurt à Milan en 1970.

L’intégralité de l’œuvre poétique d’Ungaretti a été rassemblée de son vivant sous le titre Vie d’un homme (Vita d’un uomo. Tutte le poesie, 1969). Ungaretti est aussi l’auteur d’essais critiques et de traductions (Racine, Shakespeare, Góngora, Mallarmé, Rilke, T.S. Eliot et William Blake), publiés à part, mais toujours sous le titre Vie d’un homme.

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Rédigé par angèlepaoli le 21 décembre 2004 à 12:40 dans Souvenirs et songes, Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

« Le faiseur »

« Savoir pourquoi on écrit : la belle affaire ! Savoir pour qui on écrit : voilà qui devient plus éclairant. Savoir comment on écrit reste la vraie question, peut-être celle qui fait basculer d’un côté ou de l’autre de la littérature. Mais celui qui peut répondre définitivement cela n’est qu’un faiseur. »

Antoine Émaz, Lichen, lichen, Editions Rehauts, 2003, p. 56.

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Rédigé par angèlepaoli le 21 décembre 2004 à 01:05 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (3)

20 décembre 2004

Mots d'enfants

Carnets du Père (III)

Angèle : « Quand je sera grande, tu m'achèteras un "castable" et des "nunettes", je sera un monsieur comme toi »

Jean-Pierre : « Tu sais, faut pas me frapper, à moi, parce que ça me fait mal. »

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Rédigé par angèlepaoli le 20 décembre 2004 à 15:45 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (2)

Le Golo

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Le Golo dans la Scala di Santa Regina. Ph©angelepaoli

Carnets du père (II)

« Un ruisseau desséché, perdu on ne sait où, a oublié derrière lui tous ses cailloux.
Au bord du Golo, paysage d'un harmonieux désordre.
Asphodèles, candélabres parfumés. »

Jean Paoli, 5 mai 1948.

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Rédigé par angèlepaoli le 20 décembre 2004 à 15:38 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

Chimères invisibles

Carnets du père (I)

L’été dernier, en musardant dans les hauteurs perdues de la maison, elle a retrouvé à côté de la machine à coudre « Singer » de sa grand-mère Jeanne, les carnets de mon père, enfouis dans un carton abandonné aux chauves-souris du grenier. Elle en a sorti le premier classeur, qui rassemble des feuillets de toutes couleurs, datés de 1939 à 1957.

Quelque part, sur les feuilles vertes un peu passées, elle lit :

« Lundi 11 août 19… Angèle gazouille, rit aux éclats, passe sans transition du rire aux larmes, et après une courte pause, pour se reposer d’avoir pleuré, rit à nouveau. Elle s’amuse seule, dans son landau. Son regard court après des chimères invisibles aux yeux des grandes personnes. Toutes couvertes d’écailles …de rhinocéros. A quoi rêvent les petits enfants ? ».

Quelques années plus loin, elle retrouve ces mots d’enfant, que son père a pris soin de noter : « Si tu continues, j’appelle le vent sauvage et je lui dis de t’emporter ». C’était à Bastia, boulevard Graziani, à l'occasion d’une dispute avec mon petit frère, de neuf mois mon cadet.

Émotion de retrouver intacte cette écriture... toujours connue et tant aimée.

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Texte©angelepaoli

Rédigé par angèlepaoli le 20 décembre 2004 à 13:24 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)

Carnage amoureux

« En amour, il ne faut jamais rencontrer son double. Deux amis qui se ressemblent concluent toujours un accord : l’un des deux choisira de rester en arrière, il jouera le rôle du double débonnaire, celui qui vient en se sachant d’avance vaincu — il sera, pour son alter ego, le confident, le factotum, le légataire universel. Spectacle rassurant que celui d’une paire d’amis inséparables. Un couple d’amoureux, quand chacun guette de l’autre une apparition de soi-même, c’est un spectacle qui promet d’être sanglant. Ces amoureux se sont cherchés des années durant, ils ont consacré toute leur énergie à cette quête. Ils se rencontrent, ils tombent harassés dans les bras l’un de l’autre ; on croit qu’ils vont s’endormir en paix, se reposer côte à côte, mais non, ils ne se sont retrouvés que pour mieux se massacrer. »

Linda Lê, « L’holocauste des atomes », in Les Evangiles du crime, Julliard, 1992, page 27.

Linda_le_ Linda Lê Image©Guidu Antonietti di Cinarca

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Rédigé par angèlepaoli le 20 décembre 2004 à 02:15 dans Territoires et terres de feux, Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (2)

A.Z.

« Les initiales du nom: elles ne désignent pas le lent parcours d’un bord à l’autre de l’alphabet connu; mais l’entrechoquement instantané de deux extrêmes, aussitôt renversables: A, la première lettre qui introduit, sémantiquement, l’affirmation virile (andrea), et Z, la dernière, qui soutient la répétition et le zézaiement enfantin (zanze).

« J’aime à me mouvoir entre deux pôles très éloignés », dit Zanzotto. Il se meut à toute vitesse entre ses deux propres pôles - si vite que l’un contamine l’autre : A devient dernière lettre, dernière pause sur le vide, cellule minime, couverture quasi muette et désarmée de la bouche, fin de toute parole possible; tandis que Z se charge d’une énergie naissante, bruit d’ouverture de page, lame active, enfantine. »

Jacqueline Risset, A.Z., « Autour d’Andrea Zanzotto », Vocativo, Revue franco-italienne n°1. Printemps 1986, éd. Arcane 17, page 107.

Jacqueline_risset_ Jacqueline Risset Image©Guidu Antonietti di Cinarca

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Rédigé par angèlepaoli le 20 décembre 2004 à 01:29 dans Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d'Angèle) | Lien permanent | Commentaires (0)