James Joyce et Sylvia Beach en 1924
devant la Librairie Shakespeare and Company,
12, rue de l’Odéon
Source
Ph. D.R.
2 février 1922 : première publication officielle d’Ulysses (en anglais), le jour même des 40 ans de James Joyce.
L'ouvrage a été imprimé en un volume chez Maurice Darantière à Dijon. Les deux premiers exemplaires sont remis en mains propres à Joyce comme cadeau d'anniversaire. L’ouvrage est édité sur l'initiative de Sylvia Woodbridge Beach (Baltimore, 1887 - Paris, 1962), qui tient la librairie-bibliothèque Shakespeare and Company (ouverte le 17 novembre 1919 au 8, rue Dupuytren, puis transférée en mai 1921 au 12, rue de l’Odéon). La diffusion de l’ouvrage aux Etats-Unis est interdite. Elle ne sera officiellement autorisée que le 6 décembre 1933.
L'écrivain James Joyce
en compagnie de Sylvia Beach et de son amie Adrienne Monnier,
dans la librairie Shakespeare and Company en 1936
D.R. Ph. Gisèle Freund
Plusieurs fragments de l’ouvrage étaient déjà parus entre 1918 et 1920 dans The Little Review, dirigée par Margaret Anderson, à qui, à la suite de cette publication, a été intenté un procès pour immoralité (en octobre 1920) par le comité Sumner (« Comité de décence »).
C’est à partir de 1922 que Joyce entreprend l’écriture de sa deuxième œuvre monumentale Finnegans Wake, et dont le titre ne sera révélé que lors de la publication en 1939 chez Faber and Faber (Londres) et The Viking Press (New York). Entre-temps, durant les dix-sept années de gestation de l’ouvrage, Finnegans Wake a été appelé par Joyce Work in progress (L’œuvre en marche).
Ci-après un extrait d’un des dix-huit « points de vue », « Nausicaa », traduit par Patrick Devret dans la dernière traduction Gallimard :
« Tiens. Hm. Hm. Oui. C’est son parfum. Voilà pourquoi elle agitait la main. Je vous laisse ceci pour que vous pensiez à moi quand je serai au loin dans mon petit lit. Qu’est-ce que c’est ? De l’héliotrope ? Non. Jacinthe ? Hm. Essence de roses, je crois. Elle doit aimer les senteurs de ce genre. Suaves et bon marché ; vite tournées. Pourquoi Molly aime l’opoponax. Lui convient avec un soupçon de jessemin. Ses notes hautes et ses notes basses. […] J’imagine que c’est une infinité de minuscules particules diffusées alentour. Oui, c’est ça. Parce que ces îles à épices, ou les cinghalais ce matin, on les sent de loin. Je vous explique. C’est comme une gaze ou une résille très fine qui recouvre leur peau, fine comme comment appelle-t-on ça les fils de la Vierge et elles n’en finissent pas de l’élaborer, fine comme tout, comme les couleurs de l’arc-en-ciel sans qu’on la perçoive ? Ça reste accroché à tout ce qu’elle quitte. Le pied de ses bas. Ses souliers encore chauds. Son corset. Ses culottes : son petit coup de pied quand elle les fait valser. Bye-bye jusqu’à la prochaine fois. Le chat aime flairer dans ses fringues sur le lit. Reconnais son odeur entre mille. L’eau de son bain aussi. Ça me rappelle les fraises à la crème. »
James Joyce, Ulysse, Gallimard, 2004, page 464.