Le
12 juillet 1817 naît
Henry David Thoreau, à Concord, dans le Massachussetts.

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I-LAND
Henry David Thoreau, le « Diogène américain », est issu d’une famille pauvre, qui entretient le culte du grand-père, un corsaire normand. Après des études à Harvard (il a obtenu une bourse grâce à la paroisse de Concord), il revient dans sa ville natale pour exercer le métier de maître d’école. À vingt-huit ans (1845), le 4 juillet, le jour même de l’Indépendance et fête nationale américaine, il s’installe dans une cabane en bois qu’il a construite de ses mains sur les terres sauvages de son ami Emerson, sur les rives du lac Walden. Ce séjour en autarcie (I-land) de deux ans et deux mois lui inspire Walden (1854) [Walden ou la vie dans les bois], devenu un classique de la littérature américaine. Cet anticonformiste contestataire est aussi l’auteur de A Week on the Concord et d’un journal, Cape Cod.
Thoreau retourne à Concord en 1860, où il reprend la petite entreprise de crayons de son père. Partageant son temps entre écriture et vagabondages. Henry David Thoreau meurt de la tuberculose le 6 mai 1862.

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EXTRAIT de WALDEN
« Les soirs de chaleur je restais souvent assis dans le bateau à jouer de la flûte, et voyais la perche, que je semblais avoir charmée, se balancer autour de moi, et la lune voyager sur le fond goudronné, que jonchaient les épaves de la forêt. Jadis j’étais venu à cet étang par esprit d’aventure, de temps à autre, en des nuits sombres d’été, avec un compagnon, et allumant tout près du bord de l’eau un feu qui, nous le supposions, attirait les poissons, nous prenions des « loups » à l’aide d’un paquet de vers enfilés à une ficelle, après quoi, tard dans la nuit, et une fois tout fini, jetions en l’air les tisons embrasés, telles des fusées, qui, descendant sur l’étang, s’y éteignaient avec un grand sifflement, pour nous laisser tâtonner dans d’absolues ténèbres. À travers elles, sifflant un air, nous nous réacheminions vers les repaires des hommes. Or, voici que j’avais établi mon foyer près de la rive.
Parfois, après être resté dans quelque parloir de village jusqu’à ce que toute la famille se fût retirée, il m’est arrivé, ayant réintégré les bois, de passer les heures du milieu de la nuit, un peu en vue du repas du lendemain, à pêcher du haut du bateau au clair de lune, pendant que les hiboux et renards me donnaient la sérénade, et que, de temps à autre, la note croassante de quelque oiseau inconnu se faisait entendre là tout près. Ces expériences furent aussi curieuses que précieuses pour moi, - à l’ancre dans quarante pieds d’eau, et à vingt ou trente verges de la rive, environné parfois de milliers de petites perches et vairons, qui ridaient de leur queue la surface dans la lumière de la lune, et communiquant par une longue ligne de lin avec de mystérieux poissons nocturnes dont la demeure se trouvait à quarante pieds au-dessous, ou parfois remorquant de droite ou de gauche sur l’étang, alors que je dérivais dans la paisible brise de la nuit, soixante pieds d’une ligne que de distance en distance je sentais parcourue d’une légère vibration, indice d’une vie rôdant près de son extrémité, de quelque sourd, incertain et tâtonnant dessein par là, lent à se décider. On finit par amener lentement, en tirant main par-dessus main, quelque « loup » cornu qui crie et frétille à l’air des régions supérieures. C’était fort étrange, surtout par les nuits sombres, lorsque vos pensées s’en étaient allées vers de vastes thèmes cosmogoniques errer dans d’autres sphères, de sentir cette faible secousse, qui venait interrompre vos rêves et vous réenchaîner à la Nature ; il semblait qu’après cela j’eusse pu jeter ma ligne là-haut dans l’air, tout comme en bas dans cet élément à peine plus dense. Ainsi prenais-je deux poissons, comme on dit, avec un hameçon.
Le décor de Walden est d’humbles dimensions, et, quoique fort beau, n’approche pas du grandiose… »
Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois [1922 pour la traduction française], Gallimard, Collection L’Imaginaire, 1990, page 175. Traduit de l’anglais par L. Fabulet.