<<Poésie d'un jour
" nous n’avons pu mener à bien nos rêves "
Âge d’or du présent
Nul besoin de beaucoup de vent pour que volent
des samares, elles sont disponibles, et même
à terre, elles continuent de trembler :
c’était l’automne, c’était l’enfance,
allègres, alors, nos façons de parler
nous disposions d’ « ailettes », « d’hélices »,
avant de rassembler nos souffles
et de les envoyer en haut des arbres,
nous n’avons pu mener à bien nos rêves,
mais consacrer à l’une d’elles
toute l’ardeur dont la voix est capable
dans un poème, le ciel y retrouvera une aura.
« Jardin », « rivage », nous restons ces enfants
qui multiplient les formules magiques, « rivage »,
« jardin », aussi intimes, aussi vastes,
solidaires, pour la joie d’entendre
leurs aller-retour, que la prononciation soit lente,
rapide, l’accord est immédiat,
nous avons davantage envie de lire d s poèmes
que d’en écrire : sur tous les signes
la neige a répandu son aube, les yeux chantent
ou se taisent, ils oublient où ils vont,
ils sont insoucieux de leur sort sur une page
de merveille en merveille.
Nous n’embarquions, le soir, enfants,
qu’après avoir imaginé les contes
agrandissant le jour qui s’achevait,
qui ne s’achevait pas, nous n’avions jamais vu
de ports, de forêts, de châteaux,
nous traversions toute une nuit ou presque,
le plus souvent une voix les disait :
des années d’autrefois il ne subsiste
que taches d’encre, mais au bruit
le plus simple, le plus étrange, nous sursautons,
nous en ignorons l’origine,
nous le perpétuerons dans un prochain poème.
Pierre Dhainaut, « Le jour est courbe » in Un art à l’air libre, aquarelles de Caroline François-Rubino, Al Manar 2022, pp.27,28,29
Voir des aquarelles de → Caroline François-Rubino
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