Béatrice Bonhomme, Murmurations des oiseaux
La rumeur libre Éditions
Lecture de Livane Pinet

Un monde-poésie

Murmurations des oiseaux de Béatrice Bonhomme est comme un monde-poésie qui accomplit sa révolution, revient au commencement pour un accueil illimité dans le ressourcement du langage. Ressourcement qui s’effectue à travers une « remise sur le métier » des mots, un travail de « reprises ». Des métaphores multiples renvoient en effet à la couture, au tricot, à la broderie… au fil de l’écriture accomplissant son œuvre comme un artisanat, dans la patience — avec quelques mouvements d’impatience, comme un point à l’envers (« On en a marre des mots sages » ; « On voudrait des mots pirates »). Ainsi ces poèmes, en quelque sorte finement « tissés » dans la toile du monde sensible (les arbres, les oiseaux…), laissent transparaître, remonter en eux, l’évidence première et lumineuse des « Mots d’enfance ».
Au regard extérieur correspond un regard intérieur qui plonge loin ses racines dans un monde merveilleux où le conte et la vie se mêlaient ; monde de l’enfance où les mots coïncidaient avec les choses, à travers le jeu et les histoires. « Petite fille qui habite notre œil / Où se reflète notre monde en poupée gigogne. » L’écriture voudrait rappeler, convoquer dans le réel déchiré (« Quel pouvoir avons-nous avec l’aiguille de nos mots / Pour réparer les plaies, le chagrin et le monde ? »), le regard, le pouvoir de l’enfant pour lequel « l’oiseau bleu » ou un « chat-fée » appartiennent au monde des vivants, comme le végétal ou même le minéral.
Le poème vient en quelque sorte réveiller et prendre dans sa trame « l’enfant de sept ans » (sœur de Rimbaud), « l’arbre-enfant » qui a vécu de la nature, de ses saisons, et a grandi en elles. Corps du monde et corps des mots doivent se réparer l’un au contact de l’autre pour ne plus former qu’un avec le corps du poète, et respecter le pacte de fidélité de l’enfant au monde.
À cette dimension « animiste », il faut encore ajouter celle qui fait place à autrui dans l’ouverture la plus large qui soit, par l’abolition des frontières du genre et du nombre, l’ouverture des pronoms à leur altérité anonyme, — ouverture inconditionnelle qui n’oublie pas les morts : « J’écris inséparée du corps / Inséparée du monde / Des morts et des vivants. » Et les morts sont bien présents, discrets mais « vigilants », dans les poèmes d’une très belle évidence d’« Incrustation de paupière ».
Et finalement, si l’écriture poétique a ici ou là douté de son efficacité dans l’exorcisme, elle a gagné en confiance, en « recousant » les êtres entre eux dans leurs différences fictives, en les réunissant pour les rendre au monde dans une sorte de symphonie cosmique atemporelle. Ce sont les étonnants poèmes de « Écrire choral.e » qui, venant suspendre le fil de l’écriture, viennent d’un même mouvement le relancer. Ces « Murmurations », comme le vol des oiseaux se métamorphosent à l’unisson avec grâce et légèreté, et touchent à l’essentiel — c’est-à-dire au presque rien, au tout du monde, au mystère.
→ Béatrice Bonhomme, Murmurations des oiseaux sur TdF
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♦ Voir aussi Béatrice Bonhomme sur → TdF ♦
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