LE MOTEUR BLANC
(extraits)
LE MOTEUR BLANC, XIV
Alors, tu as vu ces éclats de vent, ces grands disques de pain rompu, dans le pays brun, comme un marteau hors de sa gangue qui nage contre le courant sans rides dont on n’aperçoit que le lit rugueux, la route.
Ces fins éclats, ces grandes lames déposées par le vent.
Les pierres dressées, l’herbe à genoux. Et ce que je ne connais pas de profil et de dos, dès qu’il se tait : toi, comme la nuit.
Tu t’éloignes.
Ce feu dételé, ce feu qui n’est pas épuisé et qui nous embrase, comme un arbre, le long du talus.

LE MOTEUR BLANC, XV
Ce qui demeure après le feu, ce sont les pierres disqualifiées, les pierres froides, la monnaie de cendre dans le champ.
Il y a encore la carrosserie de l’écume qui cliquette comme si elle rejaillissait de l’arbre ancré dans la terre aux ongles cassés, cette tête qui émerge et s’ordonne, et le silence qui nous réclame comme un grand champ.
André du Bouchet, « Le moteur blanc », XIV, XV, Dans la chaleur vacante, Mercure de France, 1961, in Dans la chaleur vacante suivi de Ou le soleil, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard n° 252, 1991, pp. 73-74.
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